Policy briefComment le gouvernement Arizona accroît la précarisation des femmes
Cette note analyse les réformes du gouvernement Arizona à travers une lecture genrée. En ignorant les inégalités structurelles liées au travail reproductif, au temps partiel ou aux carrières discontinues, ces mesures renforcent la précarité des femmes. Elles apparaissent ainsi comme injustes, inefficaces et punitives, en particulier pour les mères seules, les femmes de plus de 50 ans et les travailleuses précaires.
Télécharger le Policy BriefDepuis plusieurs années, les politiques sociales belges subissent une série de réformes orientées vers la responsabilisation individuelle, la conditionnalité accrue des droits et la limitation de leur durée d’octroi. L’arrivée du gouvernement Arizona marque une nouvelle étape, où se conjuguent deux logiques : d’une part, une recherche de réduction rapide du déficit public ; d’autre part, un objectif affiché d’élever le taux d’emploi à 80 %. Cette vision technocratique transforme la sécurité sociale en simple instrument d’activation, supposée « remettre les individus au travail » via la contrainte budgétaire.
Le cœur de la stratégie gouvernementale repose sur une hypothèse implicite : l’augmentation du taux d’emploi permettrait de relancer les recettes sociales et de réduire le déficit public. Ce raisonnement méconnaît cependant les dynamiques réelles du marché de l’emploi et de l’organisation de la société. Entre 2015 et 2024, le taux d’activité des femmes belges est passé de 63 % à 68,3 %, tandis que celui des hommes est passé de 71,3 à 76,3 % (Statbel). En incitant à atteindre le taux d’emploi de 80%, l’effort le plus important est donc attendu des femmes. Cependant, la progression du taux d’emploi des femmes et celui attendu pour le futur se font sans que ne soit repensée la répartition du travail reproductif — c’est-à-dire l’ensemble des tâches domestiques, des soins aux enfants ou aux proches dépendants, et du soutien émotionnel, qui reposent encore très majoritairement sur elles.
Or, ces responsabilités, bien qu’invisibles et non rémunérées, limitent fortement la disponibilité des femmes pour l’emploi rémunéré et particulièrement le temps plein. Dans ce contexte, toute politique d’activation indifférente à cette asymétrie structurelle ne peut qu’accroître la pression sur les femmes et les effets sur leur santé. Elle exige d’elles une plus grande participation au marché du travail sans lever les obstacles structurels qui en restreignent l’accès. Le résultat est un transfert de charge : les politiques de réduction budgétaire pèsent moins sur les inactifs que sur les femmes, dont la contribution économique réelle — bien que socialement indispensable — reste ignorée.
De plus, alors que l’impact humain de ces réformes est immense, leur évaluation reste lacunaire. Les chiffres publics sont fragmentaires, les effets différenciés par genre sont rarement analysés, et les outils de suivi structurel inexistants. Cette note cherche à combler en partie cette lacune, en documentant les effets cumulés des mesures du gouvernement Arizona sur les femmes, à travers deux axes : le chômage et les pensions.
Elle montre que loin d’être neutres, ces politiques risquent de creuser les inégalités existantes, au premier rang desquelles, les femmes.
Réforme du chômage et basculement vers le CPAS : une mesure aux effets genrés
La réforme du chômage, dont les mesures transitoires entreront en vigueur en juillet 2025 et dont les futures règles sortiront leurs effets concrets à partir de mars 2026, constitue une rupture majeure avec les principes historiques de la sécurité sociale belge. En instaurant une limite maximale de deux ans pour le bénéfice des allocations de chômage, elle marque le passage d’un modèle assurantiel fondé sur les droits contributifs à un régime d’assistance temporaire, subordonné à une logique d’activation. Cette orientation entérine une conception où la protection sociale devient un levier de contrainte, supposée inciter au retour à l’emploi.
Selon les données ONEM, plus de 100 000 personnes sont concernées par cette réforme. Bien que les hommes soient actuellement plus nombreux parmi les allocataires du chômage (162 000 hommes contre 125 000 femmes en janvier 2025), les femmes sont surreprésentées dans les catégories les plus fragiles du dispositif : personnes âgées de plus de 50 ans, travailleuses à temps partiel, personnes en invalidité ou ayant des carrières fragmentées, etc.
Des trajectoires féminines pénalisées par des parcours discontinus
Les femmes rencontrent davantage d’interruptions de carrière, souvent liées à la prise en charge de responsabilités familiales, à la maladie ou à l’absence de structures d’accueil adaptées. Selon Statbel (2024), 40,5 % des femmes travaillent à temps partiel, contre seulement 12,8 % des hommes et quatre travailleurs à temps partiel sur cinq sont des femmes. Ce temps partiel est rarement choisi : près de 50% des femmes de 25 à 49 ans invoquent des obligations familiales comme principal motif. Ces choix contraints ont un impact direct sur l’accès aux droits sociaux, les niveaux de rémunération et les possibilités de carrière. Le travail à temps partiel est le principal facteur d’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, selon l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.
Un accès inégal à l’exception des « 31 ans de carrière »
La réforme prévoit une exception pour les personnes âgées de 55 ans et plus, à condition qu’elles aient au moins 31 ans de carrière en 2026 (avec un relèvement progressif pour aboutir à 35 ans en 2030). En apparence protectrice, cette clause est inaccessible pour la majorité des femmes concernées. D’après les estimations de l’ONEM (2024), seules 4284 femmes sur 62158 âgées de 55 ans et plus remplissent cette condition, soit à peine 6,9 %. Cela représente seulement 3,8 % du total des personnes qui seront exclues au 1er janvier 2026. En comparaison, les hommes sont presque deux fois plus nombreux à satisfaire cette exigence. Cette inégalité reflète les effets cumulatifs des parcours professionnels genrés, marqués par des interruptions et des périodes de travail à temps partiel.
Femmes cohabitantes et plus de 50 ans : double peine
Parmi les personnes en chômage complet depuis plus de deux ans, les femmes cohabitantes de plus de 50 ans représentent un groupe particulièrement vulnérable. Selon les estimations de l’ONEM (décembre 2024), 9 270 femmes de plus de 50 ans sont dans cette situation, contre 5 519 hommes, soit une surreprésentation nette : les femmes constituent 62,7 % des cohabitants de plus de 50 ans concernés. Cette réalité statistique révèle un double désavantage structurel : d’une part, les interruptions de carrière liées au soin (enfants, proches malades, tâches domestiques) sont majoritairement assumées par les femmes, ce qui fragilise leur accès à une carrière complète ou continue ; d’autre part, leur statut de cohabitante leur confère un accès plus restreint à l’aide sociale, puisque le revenu d’intégration (RIS) est calculé sur base des ressources du ménage.
Ce système engendre une dépendance financière persistante vis-à-vis du conjoint : tant qu’elles sont dans le régime du chômage, ces femmes n’ont souvent pas de revenu propre, car les allocations sont faibles ou inexistantes pour les cohabitantes sans carrière propre. Et si elles basculent vers le CPAS, leur revenu reste limité par le statut de cohabitant, même si elles n’ont pas d’accès autonome à un revenu. À cela s’ajoute une nouvelle fragilisation : le gouvernement prévoit de supprimer, à partir de 2026, la réduction d’impôt appliquée aux allocations de chômage. Cette mesure pourrait entraîner une perte mensuelle allant jusqu’à 200 euros pour les personnes sans emploi, aggravant encore la précarité de ces femmes.
Il ne s’agit donc pas seulement d’un problème de montant, mais d’une remise en cause de leur autonomie économique. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les perspectives de réinsertion sur le marché du travail sont faibles à cet âge, particulièrement pour les femmes peu diplômées, issues de secteurs en déclin ou en mauvaise santé (nettoyage, aide à domicile, vente). Le cumul de ces facteurs — âge, genre, statut civil, trajectoires discontinues — constitue une double peine : ces femmes sont à la fois sanctionnées pour leurs interruptions de carrière passées (souvent imposées par les responsabilités familiales), et moins protégées dans le présent du fait de leur statut conjugal.
Le CPAS, un dernier recours …. inégalitaire
Le basculement vers les CPAS soulève de nombreuses inquiétudes. Le RIS est attribué selon des critères familiaux et patrimoniaux, en opposition avec le principe d’individualisation des droits de la sécurité sociale. Les femmes cohabitantes de plus de 55 ans sans revenu peuvent se voir refuser une aide ou octroyer une aide partielle, insuffisante pour couvrir leurs besoins essentiels, en raison des ressources de leur conjoint ou cohabitant.
Les femmes propriétaires se trouvent également en difficulté. Le système ne tient pas compte de la charge d’un crédit hypothécaire ni des faibles liquidités dont elles disposent. Ce traitement uniforme masque des formes spécifiques de précarité résidentielle.
De manière générale, les femmes en situation de monoparentalité ne bénéficient d’aucun traitement différencié ; sauf au CPAS où elles relèvent de la catégorie « personne avec charge de famille » et bénéficient, à ce titre, du barème le plus élevé du revenu d’intégration sociale. Ce traitement, bien que plus favorable en termes relatifs qu’un couple avec enfants, reste standardisé : il ne tient pas compte des charges propres à la monoparentalité — absence de relais sociaux ou familiaux, coût de la garde, isolement, surcharge mentale, etc. Le système actuel reste pensé autour d’un travailleur « plein temps, sans responsabilités de soin ». Les situations de cumul — travail précaire, soin à un enfant, invalidité — sont invisibilisées et peu prises en compte.
L’AGR : un correctif partiel, aveugle aux réalités de genre et de santé
En réponse aux critiques qui lui ont été adressées, le gouvernement a introduit une mesure de maintien illimité de l’allocation de garantie de revenus (AGR) pour les personnes travaillant au moins à mi-temps. Présentée comme un filet protecteur pour les travailleurs précaires, cette mesure présente toutefois de nombreuses limites.
D’abord, elle instaure une inégalité de traitement entre des personnes qui travaillent davantage (par exemple à 4/5e sans AGR) et d’autres, à mi-temps, qui conserveront leurs droits simplement parce qu’elles entrent dans les critères administratifs du dispositif. Ensuite, elle fixe un seuil arbitraire : une personne travaillant à 1/3 temps reste exclue de toute prolongation de droits. En 2025, 33,25 % des femmes et 44,02 % des hommes bénéficiaires de l’AGR travaillaient à moins d’un mi-temps.
Par ailleurs, le dispositif n’est pas envisageable pour tous. Les personnes cohabitantes en troisième période d’indemnisation — principalement des femmes — sont exclues de facto, car l’allocation de référence servant au calcul de l’AGR est trop faible pour donner lieu à un complément significatif. D’après les données disponibles, environ 70 % des femmes contre 30 % des hommes sont concerné·es par cette exclusion. Il s’agit donc d’un correctif très partiel, qui laisse de côté les plus précaires, et notamment les femmes en bas de l’échelle des protections sociales.
Au-delà de ces limites formelles, l’AGR repose sur une logique aveugle aux réalités différenciées du travail sur la santé des femmes. Si certaines interruptions — notamment celles couvertes par l’assurance maladie-invalidité — permettent aujourd’hui de prolonger la durée des droits, elles ne suspendent pas la dégressivité des allocations. Seules les périodes de congé de maternité sont réellement prises en compte pour geler la dégressivité. Ce traitement différencié traduit une vision androcentrée du travail et une ignorance persistante des spécificités liées au genre.
En effet, les femmes représentent près de 60 % des personnes en invalidité en Belgique, et 77 % au-delà de 55 ans (Mutualité chrétienne, 2024). Elles sont surreprésentées dans les secteurs pénibles, mais peu reconnus institutionnellement comme tels : soins de santé, nettoyage, vente, enseignement. Ces conditions ont un impact avéré sur leur santé, mais sont rarement reconnues comme telles dans les régimes de protection sociale. Un exemple emblématique en est le cancer du sein (qui touche 12,5 % de femmes) : alors que le lien entre travail de nuit et cancer du sein est scientifiquement documenté — l’IARC (Centre International de Recherche contre le Cancer) a classé le travail de nuit comme probablement cancérogène pour l’humain dès 2007 — cette pathologie ne figure toujours pas dans la liste des maladies professionnelles reconnues en Belgique. Aucun cancer du sein n’a été reconnu dans le système dit « ouvert ».
S’ajoute à ces difficultés le travail domestique non rémunéré qu’elles continuent d’assurer de manière écrasante. Ce cumul — invisible, mais bien réel — a des conséquences directes sur leur santé physique et mentale, souvent sans reconnaissance institutionnelle, ni en tant que maladie professionnelle, ni comme critère de protection renforcée.
En refusant d’intégrer ces réalités dans le calcul des droits prolongés (comme l’AGR), les réformes actuelles perpétuent une vision désincarnée et androcentrée du travail. L’ AGR, loin de compenser les inégalités de genre risque de les renforcer par une précarisation silencieuse, où les femmes paient le prix d’un système qui nie à la fois le travail (rémunéré ou non) qu’elles effectuent et les risques qu’il induit pour leur santé
Pensions : réforme cumulative et appauvrissement des femmes
Le projet de réforme des pensions amorce lui aussi une transformation profonde du système belge. Derrière les objectifs affichés de soutenabilité financière, ces mesures se traduisent par un resserrement généralisé des droits, affectant l’ensemble des pensionnés actuels et futurs. Mais une lecture genrée de ces mesures révèle un impact structurellement inégalitaire : les femmes, en raison de carrières plus courtes, de temps partiels majoritairement subis, et de charges familiales inégalement réparties, seront les plus durement touchées.
Allongement de carrière et pénalisation des parcours atypiques
La redéfinition d’une année de carrière (passant de 104 à 156 jours effectifs) impose à 40 % des travailleurs de prolonger leur carrière d’un an ou plus. Or, 54 % des personnes concernées sont des femmes, souvent engagées dans des emplois à temps partiel, non choisis, et cumulés avec des tâches de soin non reconnues.
À partir de 2026, 25 % des femmes ne pourront plus partir en pension anticipée sans malus, contre 8 % des hommes. Cette réforme introduit une pénalité financière de 5 % par an pour tout départ avant l’âge légal (67 ans), frappant de plein fouet les travailleuses des secteurs à forte usure professionnelle — soins, nettoyage, grande distribution, éducation — qui ne disposent ni des ressources ni de la santé nécessaires pour prolonger leur activité.
Les malades de longues durées de plus de 50 ans évoluent à la hausse et si les formules de crédit temps de carrière sont purement balayées, nous risquons de voir le nombre de malades en fin de carrière venir gonfler les rangs et exploser.
Des carrières féminines marquées par la discontinuité et une exposition accrue à l’invalidité
Les femmes connaissent des interruptions de carrière plus fréquentes, notamment pour des raisons familiales. Ce phénomène est particulièrement visible dans la tranche d’âge 45–64 ans, où le taux d’emploi féminin a le plus progressé au cours des dernières décennies. Cette montée en charge s’est opérée dans un contexte de transformation législative : entre 1996 et 2009, l’âge légal de la retraite pour les femmes a été progressivement relevé de 60 à 65 ans, afin de l’aligner sur celui des hommes. Or, cette évolution n’a pas été accompagnée de mesures suffisantes de soutien à l’emploi féminin de qualité ou de reconnaissance des parcours de soin.
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà mentionné, les femmes sont nettement surreprésentées dans les effectifs des personnes reconnues en invalidité. Cela signifie qu’elles quittent plus souvent l’emploi non pas pour prendre leur retraite, mais pour cause de maladie, d’usure ou de conditions de travail inadaptées. Ce passage invisible de l’emploi à l’invalidité puis à la pension n’est pas correctement intégré dans les dispositifs actuels de calcul des droits, ce qui contribue à réduire davantage leurs pensions futures.
Réduction des périodes assimilées : une sanction des trajectoires de soin
À partir de 2031, les périodes assimilées (durant lesquelles les droits sont maintenus malgré l'absence de travail effectif) seront plafonnées à 20 %. Bien que certaines périodes comme la maladie ou les congés pour soins soient exemptées, les interruptions pour raisons familiales ou parentales — massivement féminines — seront limitées.
Conséquence directe : 34 % des femmes verront leur pension diminuer, contre 23 % des hommes. Cette réforme revient à pénaliser les responsabilités parentales, dans un contexte où les congés familiaux sont encore très inégalement partagés (62 % à 81 % des congés parentaux sont pris par des femmes, selon les modalités).
Réforme des congés familiaux : un projet à haut risque pour l’égalité
Le gouvernement envisage de fusionner les différents congés familiaux (maternité, paternité, parental, crédit-temps, etc.) en un "sac à dos de droits" par enfant, inspiré du modèle scandinave. Bien que séduisant en théorie, ce projet comporte de grands risques de régression, si l’ensemble des droits ne sont pas harmonisés par le haut et accompagnés de mesures correctrices de genre.
À ce jour, les congés familiaux sont déjà largement pris par les femmes. D’après les données ONEM 2024 :
- 62 % des congés parentaux sont pris par des femmes,
- 73 % des congés à temps plein,
- 81 % à mi-temps,
- 59 % à 1/5 temps.
Une mutualisation des congés familiaux, si elle n’est pas assortie de mécanismes incitatifs clairs à destination des pères, risque de renforcer la spécialisation genrée des rôles parentaux, avec pour conséquence une aggravation des inégalités de carrière entre femmes et hommes. Par ailleurs, le budget annoncé — 25 millions d’euros — apparaît non seulement insuffisant pour financer une réforme ambitieuse, mais aussi pour maintenir les droits existants en matière de durée et de rémunération des congés. Dans le cadre de l’harmonisation annoncée entre parents salariés, fonctionnaires et indépendants, l’absence d’enveloppe complémentaire laisse craindre que toute amélioration pour certains se traduise mécaniquement par une réduction des droits pour d’autres.
D'autres propositions, comme la suppression des majorations salariales pour le travail en soirée, la suppression de l’interdiction du travail de nuit et du dimanche, ou encore l’annualisation du temps de travail, risquent de pénaliser les travailleurs les plus précaires, parmi lesquels les femmes monoparentales ou à temps partiel, souvent contraintes de cumuler des horaires atypiques.
Suppression des droits dérivés : une perte nette d’autonomie financière
La disparition progressive des droits dérivés frappe les femmes âgées qui avaient, dans le passé, cessé ou réduit leur activité professionnelle pour s’occuper du foyer. Trois dispositifs majeurs sont concernés :
- La pension de ménage, supprimée pour 78 000 bénéficiaires (dont 95 % sont des hommes), sans ajustement pour les femmes concernées dans le couple.
- La pension de divorce, perçue par 33 000 personnes (dont 80 % sont des femmes), souvent sans revenu alternatif.
- La pension de survie, qui compte plus de 273 000 bénéficiaires, dont 98 % sont des femmes. Son remplacement par une allocation transitoire de deux ans (hors cas des plus de 50 ans) est largement insuffisant pour garantir un revenu décent et aggrave les risques de pauvreté en fin de vie.
Suppression de l’enveloppe bien-être : un levier d’appauvrissement silencieux
La décision du gouvernement fédéral de supprimer l’enveloppe bien-être constitue une rupture significative avec l’un des mécanismes de protection contre la précarisation sociale. Depuis son instauration, ce dispositif permettait d’ajuster les allocations les plus basses (pensions minimales, garantie de revenus aux personnes âgées, allocations de chômage ou d’incapacité) à l’évolution du niveau de vie.
Sa suppression équivaut à un abandon politique des populations les plus fragiles, souvent déjà situées en dessous du seuil de pauvreté. Ce sont précisément ces publics qui dépendent le plus de ces ajustements : pensionnés au minimum légal, personnes âgées isolées, invalides, chômeurs de longue durée. En pratique, la fin de l’enveloppe bien-être prive des centaines de milliers de personnes d’un outil correcteur indispensable face à la stagnation des allocations et à l’inflation du coût de la vie.
L’impact est particulièrement marqué pour les femmes, surreprésentées parmi les bénéficiaires des plus petites pensions ou des allocations d’assistance. Cette suppression contribue donc à renforcer une précarité structurelle genrée, en entérinant des écarts de revenus que rien ne vient plus compenser. Elle fait tomber un des derniers filets de sécurité capables de freiner la spirale descendante que vivent les femmes âgées, les mères isolées, et les personnes ayant connu des parcours professionnels discontinus.
Conclusion : Un coût humain élevé pour des économies budgétaires contestables
Les réformes sociales portées par le gouvernement Arizona relèvent d’une logique d’austérité qui sacrifie la justice sociale à l’équilibre budgétaire. Si elles visent officiellement à « activer » les citoyens et réduire le déficit, elles précarisent d’abord les femmes : premières concernées par les parcours fragmentés, les emplois à temps partiel et la charge invisible du travail domestique.
Les économies annoncées sont, en réalité, marginales et reportées sur d’autres : les CPAS communaux, appelés à compenser les désengagements fédéraux, et les femmes elles-mêmes, contraintes de pallier les défaillances du système par un surcroît de travail. Plus grave encore, l’absence de pont automatique entre le chômage et l’aide sociale engendre un vide de protection — plusieurs semaines, voire plusieurs mois — que peu de ménages, notamment monoparentaux, peuvent absorber. À ce délai d’attente s’ajoute un phénomène massif, mais invisible : le non-recours aux droits. Comme le souligne le SPP Intégration sociale, de nombreuses personnes éligibles au RIS n’en font pas la demande, freinées par la complexité administrative, le manque d’information ou la peur de la stigmatisation. Cette double barrière — administrative et sociale — transforme un droit en une épreuve.
Plus largement, ces réformes échouent complètement à intégrer une perspective de genre. La hausse du taux d’emploi ne peut être atteinte sans répondre aux freins structurels qui pèsent sur les femmes : accès aux crèches, articulation des temps, partage des responsabilités domestiques au sein même des couples et familles. Faute d’un tel accompagnement, ce que l’on présente comme de l’activation se traduit en pression supplémentaire sur les femmes, souvent au prix de leur santé ou de leur autonomie financière.
- Premièrement, ne pas produire d’effets différenciés négatifs qui renforceraient les inégalités entre les femmes et les hommes ;
- Deuxièmement, intégrer des leviers structurels qui contribuent à la réduction de ces écarts.
- Assurer la continuité des droits entre chômage et aide sociale, sans période de rupture ;
- Reconnaître les périodes de soins et congés familiaux dans le calcul des droits, sans rétroactivité défavorable ;
- Maintenir les droits dérivés comme la pension de survie ;
- Revenir sur les 156 jours pour valider une année de carrière, particulièrement pénalisants pour les temps partiels féminins ;
- Exclure les personnes de plus de 55 ans de la réforme du chômage, ou à défaut, contraindre les employeurs à respecter des grilles salariales prenant en compte leur expérience, évitant ainsi leur relégation vers les bas salaires;
- Réintégrer l’enveloppe bien-être, dont la suppression prive les plus précaires — majoritairement des femmes — d’un ajustement vital de leurs revenus : son retour doit constituer un socle minimal de justice redistributive.
- Ouvrir un débat public et politique au sujet des changements structurels à apporter à la répartition du travail reproductif : obligation et allongement du congé de paternité, soutien actif à l’articulation des temps, investissement massif dans les structures de garde, et reconnaissance effective du travail de soin dans les politiques sociales.
- À défaut de telles mesures, la réforme en cours ne fera qu’approfondir les lignes de fracture existantes : entre hommes et femmes, entre fédéral et local, entre travail visible et invisible.
Propositions
Toute réforme ne peut aggraver des inégalités déjà structurellement établies et notamment les inégalités de genre. Dans le contexte actuel, où les femmes sont davantage précarisées — du fait de carrières discontinues, d’un recours accru au temps partiel, et d’une prise en charge majoritaire du travail domestique — il est impératif que les politiques publiques soient conçues de manière à ne pas amplifier ces inégalités. Autrement dit si une mesure vient à accroitre la précarité des femmes qui sont déjà davantage précarisées que les hommes elle ne doit pas être mise en œuvre !
Par conséquent, deux exigences doivent guider l’élaboration des réformes :
Il ne s’agit donc pas seulement d’introduire des dispositifs compensatoires, mais bien de penser les politiques dès leur conception dans une logique d’égalité effective.
Il est urgent d’agir, à défaut d’un retrait complet de ces mesures, plusieurs garanties minimales s'imposent