
METTRE LES INÉGALITÉS AU CŒUR DU DÉBAT POLITIQUE
Le Collectif InES s’est constitué à partir d’une conviction et d’un engagement : faire de la lutte contre les inégalités une priorité de l’agenda politique. Depuis de nombreuses années, les inégalités sont perçues comme une variable permettant de comprendre la différence de revenus, de l’accès à la propriété, de la réussite scolaire, de l’accès aux biens de consommation, de l’accès aux soins de santé, etc. La lutte contre les inégalités apparaît souvent comme un objectif incantatoire et formel alors que de nombreuses données, recherches et travaux scientifiques démontrent inexorablement la reproduction systémique des inégalités dans notre société – aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Ces travaux démontrent en outre que les inégalités ont un effet néfaste non seulement sur la cohésion sociale, mais aussi sur l’efficacité économique, l’environnement, la santé et la démocratie.
Dans les discours politiques et médiatiques, d’autres termes dominent pour exprimer une idée plus ou moins semblable tels que le « pouvoir d’achat », la « pauvreté », le « chômage », etc. Toutefois, ces termes ne permettent pas de couvrir complètement la signification des inégalités et, surtout, ils éludent ce que permet le terme d’inégalité, à savoir que le terme lui-même contient la solution au problème qu’il désigne : l’égalité de conditions. À la différence du pouvoir d’achat ou de la pauvreté qui n’expriment par ailleurs que la dimension socio-économique des inégalités, le terme d’ « inégalités » comporte nécessairement une composante comparative et relationnelle. Les inégalités constituent une manière de penser la relation entre des parties alors que la pauvreté, par exemple, ne fait référence qu’à un seuil minimal, s’interdisant de la sorte de penser et d’évaluer dans le même mouvement la richesse et, surtout, les écarts entre les personnes qui ont peu de ressources et d’accès aux ressources et celles qui disposent de nombreuses ressources ainsi que de leur accès. Lutter contre les inégalités consiste à faire de la réduction des écarts existants dans la distribution des ressources et des accès aux ressources un objectif politique prioritaire.
Certes, la Belgique fait partie des pays les moins inégalitaires au monde, grâce à un système de sécurité sociale performant, à un taux de syndicalisation relativement élevé, à l’indexation des salaires et au salaire minimum. Cependant, ces institutions sont paradoxalement critiquées par les forces conservatrices. Le « mantra » égalitaire rend ainsi difficile le débat sur les inégalités en Belgique. Le récit d’une Belgique égalitaire sert de justification, dans la grande quête de la compétitivité, à un détricotage d’une série de mécanismes de correction des inégalités qui ont pourtant fait leurs preuves.
Les données tendent par ailleurs à montrer que l’écart s’est accru durant les quarante dernières années – en Belgique comme dans la majorité des pays dans le monde. En outre, si le coefficient de Gini, qui donne une vision assez hétéroclite du paysage des inégalités en Belgique, classe la Belgique dans les 5 pays les plus égalitaires du monde, la décomposition régionale des données indique que la Flandre et la Wallonie figurent dans le premier quartile alors que Bruxelles se situe dans le dernier. Plus généralement, les inégalités interpersonnelles s’accompagnent, en Belgique comme ailleurs dans le monde, d’une polarisation croissante entre les régions qui ont tiré profit de la mondialisation et celles qui en ont été victimes. La mondialisation et les progrès technologiques favorisent la concentration des investissements et des emplois qualifiés dans les centres métropolitains les plus dynamiques, au détriment des régions désindustrialisées sans perspective d’avenir.
Le récit sur l’égalité a basculé depuis la crise de 2008 autour d’un double phénomène paradoxal (et probablement contradictoire) : une prise de conscience du « risque inégalitaire » par une partie des représentant·es intellectuel·les, politiques et technocratiques du capital et le maintien voire le développement d’un ordre juridique, social et économique rendant particulièrement ardues les mesures de correction des inégalités. Les inégalités sont très souvent traitées sous l’angle monétaire. C’est un aspect essentiel qui ne doit toutefois pas occulter les autres dimensions des inégalités, notamment celles qui ne peuvent pas être « monétisées ». De nombreux travaux démontrent la multiplication de clivages au sein de notre société à la base d’inégalités s’articulant ou non à l’accès aux ressources économiques : l’appartenance sociale, le genre, l’âge, l’appartenance ethno-raciale, le territoire (urbain/rural), l’environnement, etc.
La lutte pour l’égalité est donc un combat culturel et politique qui ne peut se gagner que par une articulation entre la mesure et l’objectivation des inégalités et un récit politique fondé sur la réduction de leurs origines tant dans un but d’équité sociale que pour amortir les effets délétères qu’elles induisent à différents niveaux.
Le Collectif InES est convaincu de la nécessité de relégitimer de manière vigoureuse la défense de l’égalité et la lutte contre les inégalités sociales, en politisant la question des inégalités. Pour ce faire, le Collectif entend produire des notes sous la forme de policy briefs à destination des citoyen·nes, des organisations, des institutions, des médias et des responsables politiques.
Membres fondateur·rices de InES
- Chloë Angé
- Sarah De Liamchine
- Élise Debière
- Philippe Defeyt
- Élisabeth Degryse
- Élise Derroitte
- Fanny Dubois
- Ariane Estenne
- Camille Fortunier
- Abraham Franssen
- Anne-Françoise Janssen
- Olivier Klein
- Renaud Maes
- Christine Mahy
- Fred Mawet
- Laura Merla
- Sotieta Ngo
- Céline Nieuwenhuys
- François Perl
- Andrea Rea
- Michel Roland
- Vincent Yzerbyt
- Arnaud Zacharie
- Daniel Zamora
- Fatima Zibouh