RessourceToujours plus de précarité alimentaire
Dans cet interview, Céline Nieuwenhuys souligne à quel point la précarité alimentaire s'intensifie. Elle rappelle à quel point enjeux sociaux, sanitaires, écologiques et alimentaires sont inextricablement liés.
Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des services sociaux, était l'invitée de La Première, par Thomas Gadisseux.
Le lendemain de la manifestation du secteur marchand qui rassemble en juin 2023 plus de 10.000 personnes dans les rues de Bruxelles, Céline Nieuwenhuys souligne à quel point la précarité alimentaire s'intensifie. Dans cette interview, elle rappelle à quel point enjeux sociaux, sanitaires, écologiques et alimentaires sont inextricablement liés. Crises successives, inflation, prix élevés des denrées alimentaires, malbouffe, conditions de travail précaires pour les producteurs bio, filet de sécurité social fragile, réforme fiscale, sont autant d'éléments qui convoquent urgemment et de façon complémentaire l'action politique, l'action de terrain et la désobéissance civile.
Quelques extraits :
" On a sur le terrain, et du côté des acteurs de l'aide alimentaire et du côté des producteurs qui tentent de construire un monde plus juste pour demain et plus vert, un effondrement. Du côté du secteur de l’aide alimentaire : ils ont enchaîné deux crises (Covid et énergie) et se retrouvent aujourd’hui avec moins de produits à distribuer. Et plus de monde à leur porte. Ce qui est quand même un constat difficile. Et du côté des producteurs, on a en février 2023, où toutes les semaines, un éleveur, un producteur ou un maraîcher bio qui rend les gants."
"Quand on parle de transition juste, de l’urgence climatique etc., on est face à deux acteurs : des acteurs qui prennent soin des habitants d’un côté, des acteurs qui prennent soin de la planète de l’autre – qui s’effondrent. C'est totalement anormal. On voudrait réveiller la capacité d'étonnement, parce que je pense qu'on s'habitue."
"Devoir sélectionner dans une file des personnes à qui vous donnez un colis, et d’autres à qui vous ne donnez pas, c’est d’une indécence sans nom."
"Il y a un message au monde politique (...) : des moyens pour le monde non-marchand. (...) Et changer de cap et se dire que peut-être le repère, ce n'est pas la rentabilité, l'économie, mais ça doit être les habitants et la planète, parce qu'une crise démocratique est là. (...)"C'est là qu'il faut injecter, comme on a été capables de le faire pour le monde marchand. Comme on a été capable de le faire pour la crise énergétique pour que Total n'ait pas à prendre en charge l'ensemble des tarifs sociaux".
"On voit bien aujourd'hui, les CPAS et les caisses de chômage sont dans une telle saturation que les citoyens, la plupart qui viennent dans les services d'aide alimentaire, n'ont parfois pas de revenus pendant 3 à 6 mois. Mais 3 à 6 mois sans un franc qui tombe sur leur compte, est-ce qu'on imagine ce que ça produit ?"
"Ce n'est pas parce qu'on doit se réjouir, par exemple, que les supermarchés peuvent enfin donner les invendus plutôt que les brûler et les jeter. C'est une bonne nouvelle, mais peut-être que la meilleure nouvelle, c'est qu'on cesse de surproduire. Parce que ça, c'est délétère pour la planète. En fait, c'est systémique. Les personnes qui sont dans les files d'aide alimentaire, c'est les personnes qui sont obligées de se nourrir de produits plus polluants, qui vivent dans des quartiers plus pollués. In fine, c'est l'Etat qui paie. Parce que c'est la santé des habitants et des habitantes."